C'était encore grâce à Blondie qu'elle était là. Certes, l'autre coréenne n'était pas physiquement là, à côté d'elle, mais ce n'était pas vraiment ça qui allait l'empêcher de se faufiler jusqu'aux coulisses sans vraiment se faire remarquer. Dans les coulisses de NEW YORK CITY, elle était sûre de rencontrer les plus grands artistes, ceux avec qui elle prendrait des selfies, une, deux ou même quinze, juste pour frimer auprès de ses amis, sur facebook, sur instagram, ou même en les montrant en réel (aaah, ça lui paraissait tellement désuet, le réel, est ce que les gens se parlaient encore de vive voix s'ils n'étaient pas les meilleurs amis du monde ?). Après un long faufilage parmi la foule, elle passa par l'entrée très discrète des coulisses derrière la plus grande scène pour continuer à se faufiler discrètement. Elle ne voulait pas se faire remarquer. Elle n'était pas sensée être là. Mais, malheureusement, captivée par la beauté occidentale du chanteur qui se tenait droit devant lui, elle fonça en diagonale dans une jeune coréenne. Elle tourna la tête vers elle. Ah, désolée murmura-t-elle en coréen, à voix basse.

Ce festival, tu l'avais attendu depuis des semaines : deux mois de fête non-stop ? Autant dire que tu étais carrément la première partante, bien qu'il te faille admettre qu'en cet instant, tu es morte de fatigue. Avec ton groupe, vous enchaînez les performances depuis déjà quelques jours et le manque de sommeil commence à se faire ressentir - mais, fidèle à ton habitude, tu continues d'afficher un sourire béat et d'évacuer une énergie communicative. Besoin de paraître en forme, besoin de prouver que tu es d'une endurance à part, tu te retrouves toute droite désignée à aller chercher de l'eau pour les autres membres de ton groupe. Et autant dire que tu la cherches, cette eau, depuis près d'un quart d'heure - mais impossible pour toi de la trouver. Et tandis que tu cogites à l'endroit le plus probable où pourrait se trouver l'objet de ta convoitise, tu finis par être coupée de tes songes, percutée de plein fouet par une jeune fille ne regardant probablement pas où elle met les pieds ; et instantanément, tu vois là l'occasion de finir enfin ta chasse au trésor, soulagée à l'idée de pouvoir à ton tour t'asseoir d'ici peu. t'inquiètes pas, tu tombes à pic ! tu saurais pas où je peux trouver de l'eau ? lances-tu alors à ta sauveuse de façon directe, comme à ton habitude, tes yeux rieurs témoignant de ton désespoir à tourner ainsi en rond.

Eazzi craignait que sa couverture lui soit enlevée. En fonçant dans cette fille, elle s'était peut être fait remarquer, on allait sûrement la jeter dehors, parce qu'elle n'avait pas sa place ici. Elle essaya de se faire toute petite, de partir rapidement pour s'échapper aux différents regards qui allaient, elle en était certaine, se poser sur elle, et réaliser qu'elle n'était qu'une festivalière comme les autres, un peu plus rebelle, peut être, mais au vu de sa réaction, pas tant que ça. Elle ne s'attendait pas à recevoir une réponse de l'autre, non, elle pensait qu'elle allait faire comme elle, se ratatiner pour s'échapper, parce que les gens normaux, comme elles, n'étaient pas supposer traîner avec les stars. De l'eau, de l'eau. Son cerveau tournait à fond les ballons, et elle ouvrit la bouche pour sortir la première chose qui lui vint dans les toilettes ? Elle pencha la tête sur le côté, pas vraiment sûre, au final, de sa réponse. mais... euh... si tu veux de l'eau un peu plus fraîche et moins, je sais pas d'où sort cette eau, tu peux tenter la buvette ? Elle fronça les sourcils. Parfois, elle se trouvait ridicule. C'était étrange, bizarre, mais face au calme de la coréenne face à elle, elle était bien moins tendue de se trouver à un endroit où elle n'était pas sensée être.

Plus tu la regardes, plus elle te paraît étrange et tu te demandes s'il t'est déjà arrivé de la croiser ici ; mais tu es incapable de te la remémorer ou d'y penser d'avantage, cette dernière te répondant enfin et te sortant de tes pensées. Les toilettes. Sa réponse à ta question te fait partir dans un fou rire incontrôlable dont tu pleurerais presque - toi, tu imaginais des bouteilles, comme vous en avez toujours dans vos loges. À cette constatation, tu finis d'ailleurs par reprendre ton sérieux et lui lancer un regard interrogatif : ne sait-elle pas que les célébrités présentes ici ne se rendent pas aux sanitaires pour boire, ni même à la buvette ? Une interrogation qui, très vite, te fait comprendre une chose simple : la jeune femme face à toi n'est pas du staff, mais tu l'aimes bien, elle te fait rire. Et ça, c'est aussi pratique ici que d'obtenir le ticket en or de Charlie et la chocolaterie. T'es pas supposée être ici, hein ? lui demandes-tu alors, comme pour confirmer tes soupçons, sans pour autant attendre une réponse spécifique ; tu n'en as pas besoin, étant déjà sûre de toi, mais profites d'avance de l'angoisse que tu es certaine de voir s'afficher sur son visage d'ici un quart de secondes - ah, la taquinerie, tu ne pourras jamais te lasser d'en user.

T'es pas supposée être ici, hein ? Oh. Touché. Coulé. Elle se raidit d'un seul coup, regardant à droite et à gauche pour voir si personne n'avait entendu ce que l'autre jeune femme venait de dire. Elle glissa les mains dans les poches de son mini-short en jean, un peu gênée, avant de lancer un simple si, bien sûr ! qui manquait cruellement de conviction. Elle hésita un instant pour trouver la suite de son excuse mais je bois jamais d'eau, voilà tout Elle croisa les bras sur sa poitrine, un peu mécontente d'avoir été démasquée, et cherchant à tout pris à trouver sa place. Eh! Pour le coup, là, elle n'avait pas totalement menti. L'eau et elle, c'était que dans les cas d'urgence. Sinon, elle tournait à la bière la journée, la soirée à la vodka, le nuit à la tequila, le petit matin au rhum. et puis, je pourrais te dire la même chose, tu sais pas où c'est l'eau, tu travailles vraiment ici ? Elle était sur la défensive, mais elle ne voulait pas être rude non plus, elle avait simplement peur de se faire virer - où était ses go quand elle avait besoin d'elles ?

Tu l'observes tenter vainement de trouver une répartie à tes propos, ses méninges se débattant certainement à la recherche d'excuses plus bidons les unes que les autres ; mais, pourtant, ses dernières paroles finissent par atteindre tes oreilles de plein fouet lorsqu'elle te dit tout naturellement et puis, je pourrais te dire la même chose, tu sais pas où c'est l'eau, tu travailles vraiment ici ?. Elle est sérieuse ? Tu ne peux t'empêcher de sombrer dans une absence incontrôlée de quelques secondes - elle ne sait pas qui tu es ? Un rire gêné s'échappe alors de tes lèvres, se transformant peu à peu en fou rire bruyant et peu discret. Les gens vous regardent, mais toi, tu ne peux t'arrêter. Cela fait trop longtemps que tu n'as pas été traitée comme une inconnue et tu te rends compte en cet instant à quel point ça te fait  bizarre - à quel point ça te fait du bien. Ton sourire toujours jusqu'à tes oreilles et tes yeux au bord des larmes à force d'avoir trop ri, tu lui réponds enfin : à vrai dire, généralement, ce n'est pas à moi d'aller chercher de l'eau, on me l'apporte. Cependant, tu te demandes si ce sera assez explicite afin de lui faire comprendre à qui elle est en train de s'adresser et tu rajoutes donc ; enchantée, Yun Zara du groupe AIMH. Lui tendant ta main, toujours morte de rire, tu es certaine que cette fois-ci elle ne pourra que réaliser qui tu es.

Non mais oh. Cette coréenne ne se moquerait pas un peu d'elle ? Eazzi fronça ses sourcils si bien dessinés, un peu frustrée. Cette fille commençait un peu à l'énerver. à vrai dire, généralement, ce n'est pas à moi d'aller chercher de l'eau, on me l'apporte. Excusez moi si madame est une princesse ! Eazzi, elle, n'avait pas le luxe de se faire apporter à boire comme ça... Mais... elle réfléchit une seconde. Parce que elle, elle était normale et... Elle analysa la situation, cette fille qui demandait de l'eau, cette assurance qu'elle avait à se trouver là, cette remarque, et ... enchantée, Yun Zara du groupe AIMH Ouais, ok, confirmation, cette Zara était célèbre. Elle avança sa main pour serrer celle qui lui était tendue. eazzi, et, désolée, je connais pas Elle fit une moue un peu contrite. Elle et la KPOP, c'était pas vraiment le big love, et elle fut soudainement un peu gênée, mal à l'aise, mais se reprit. vous êtes très connus ? genre mondialement et tout ? Elle pencha la tête sur le côté, curieuse d'en savoir plus. Et puis, quand on y repensait, elle avait plutôt l'air sympa cette fille au nom de magasin de fringues.

Non, définitivement, elle ne te connait pas, ni toi, ni ton groupe d'ailleurs ; mais ça ne te vexe pas le moins du monde, au contraire, et tu t'empresses de répondre à sa question, heureuse de faire découvrir ton monde à une personne qui ne le connaît pas. Pour le moment, on peut dire qu'on a eu un succès plutôt fulgurant à travers l'asie et qu'on commence à se faire un petit nom aux états-unis, mais ça demande beaucoup de temps et de travail lui dis-tu, heureuse de pouvoir parler de ton métier à une personne n'ayant pas déjà un avis tranché sur toi. Il faut dire qu'il t'arrive rarement de rencontrer quelqu'un n'ayant pas l'esprit embrumé par des médias médisants et inventeurs d'histoires à dormir debout - et tu te ferais une joie de mieux connaître cette Eazzi, certaine qu'une amitié pourrait naître entre vous. De la musique finit cependant par se faire entendre et instantanément, tu reconnais l'artiste supposé précéder ton groupe, réalisant que c'est bientôt à ton tour d'aller faire le show. Par contre, je vais justement pas tarder à devoir monter sur scène, ça te dirait de m'accompagner jusqu'à ma loge et de rencontrer les autres membres de mon groupe ? Tu y seras sûrement plus à l'aise qu'ici pour voir le spectacle ! lui lances-tu, ayant réalisé il y a un moment que d'ici, on ne voit rien du tout - et qu'il n'y a rien à boire ou manger. Boire, tu te souviens seulement en cet instant de l'eau que tu étais supposée ramener, comprenant que tu n'as plus le temps de la chercher. Tu en es persuadée, en arrivant, tu te feras encore engueulée d'avoir complètement oublier ce pourquoi tu étais partie - et dire qu'en contrepartie tu t'es faite une nouvelle amie ne sera probablement pas l'excuse la plus implacable.